
Conseils aux voyageurs savants
La Bibliothèque Sainte-Geneviève clôt une année thématique 2022 consacrée aux voyages savants par une exposition, « Lignes d'horizon. Voyages et relations savantes, XVe-XXe siècles » et un colloque, « Documenter le monde et produire des savoirs depuis l’Europe (XVIe-XXe siècles) », accueilli au Pôle des langues et civilisations les 19 et 20 octobre 2022.
En écho, la BULAC a choisi de faire naviguer ses lecteurs dans une sélection d'instructions et de conseils aux voyageurs et explorateurs.

Illustration de couverture des Conseils aux chercheurs publiés par l'Institut français d'Afrique noire, Dakar, IFAN, 1953. Collections de la BULAC, BIULO BAS.III.577.
L'art du voyage se formalise à la Renaissance pour donner lieu, à partir des Lumières, aux premières entreprises d'exploration systématique de terres lointaines. Les conseils cèdent alors la place à l'élaboration de véritables questionnaires et guides méthodologiques qui accompagnent le développement de disciplines comme l'archéologie ou la linguistique.
Ce parcours permet de suivre les transformations du voyage d'exploration, de la Renaissance au milieu du XXe siècle à travers les réflexions méthodologiques des disciplines qui s'organisent autour de l'observation, de l'analyse et de l'interprétation de terres et de sociétés lointaines. Cette évolution permet de suivre le développement des réflexions sur la relation du chercheur et de son terrain.
Exposition Conseils aux voyageurs savants - rez-de-jardin (Juliette Pinçon / BULAC).
Exposition Conseils aux voyageurs savants - rez-de-jardin (Juliette Pinçon / BULAC).
L'invention de l'art de voyager
Le développement des sciences modernes à partir de la Renaissance s’accompagne de la définition d’une nouvelle pratique du voyage. Les instructions aux explorateurs deviennent un genre à part entière.
Juste Lipse (1547-1606) est une figure de l’humanisme européen, célèbre pour ses épîtres qui constituent des modèles de la nouvelle éducation savante. Il élabore un éloge du voyage comme source d’accomplissement personnel et de connaissance – ici placé sous la figure d’Ulysse.
Son essai, composé en 1578, est imprimé à de nombreuses reprises et donne naissance au genre des « arts apodémiques », les instructions aux voyageurs.
Le format miniature de l'édition présentée en fait un véritable guide à emporter en voyage.

Juste Lipse, De Ratione cum fructu perigrinandi, & praesertim in Italia [L’art de voyager avec fruit, spécialement en Italie]. Publié en appendice à Thomas van Erpe, de Peregrinatione Gallica utiliter instituenda tractatus. Item. Lugdunum Batavorum [Leyden], Franciscus Hegerus, 1631. Collections de la BULAC, BULAC RES MON 8 4604.
Extrait du texte figurant une citation en grec tirée de l'Odyssée louant la sagesse tirée par Ulysse de ses voyages. L'épithète homérique πολύτροπος (polytropos) est interprétée ici non pas comme une référence à sa ruse (« aux mille tours ») mais au fait d'avoir beaucoup voyagé (« coureur de villes » selon la traduction française de l'opuscule par Antoine Brun en 1650).
Pour une analyse critique du texte de Lipse et de ses traducteurs français, voir N. Doirond. L'art de voyager : le déplacement à l'époque classique. Sainte-Foye – Paris, Presses de l'université Laval – Klincksieck, 1995.
Jean Thévenot (1633-1667) gagne la fortune et la célébrité par ses explorations ; il est considéré comme l'un des introducteurs du café en France.
En frontispice d’un de ses ouvrages, il est présenté en « parfait voyageur », offrant le modèle d'un explorateur s'appuyant sur une connaissance précise du terrain pour produire des connaissances nouvelles. Dans la préface de l'ouvrage, l'auteur insiste sur sa rencontre avec l'orientaliste Herbelot et l'étude préalable des travaux savants pour la réussite de sa carrière de voyageur.

Portrait de Jean de Thévenot en costume oriental [dessiné par François Chauveau, gravé par Étienne Picart]. Jean Thévenot, Relation d'un voyage fait au Levant, Paris, C. Barbin, 1664. Fonds des Jeunes de langues. Collections de la BULAC, BULAC RES MON 8 8936. Le portrait en pied, associé à des évocations métaphoriques du voyage (le costume oriental, le globe ou la carte), souligne le prestige intellectuel et la notoriété tirés des expéditions lointaines.

Interroger le monde
L’inscription du voyage dans une démarche scientifique se traduit par l’élaboration de questionnaires adressés aux explorateurs pour donner le cadre scientifique de leur mission. Ces outils élaborent progressivement une méthode de l’exploration qui s’affirme à l’époque des Lumières.
L’orientaliste allemand J. D. Michaelis (1717-1791) supervise ainsi le travail d’une commission de savants chargés de rédiger le programme d’une mission scientifique danoise lancée en 1761. Celui-ci innove en choisissant la forme du questionnaire. La formule est aussitôt considérée comme un modèle des instructions édictées par les sociétés savantes pour les voyages d'exploration.

Johann David Michaelis, traduction de Jean Bernard Mérian, Recueil de questions proposées à une société de savans qui par ordre de Sa Majesté danoise font le voyage de l'Arabie, Francfort sur le Main, Chez Jean Gottlieb Garbe, 1763. Ancien fonds de la Bibliothèque de l’École des langues orientales. Collections de la BULAC, BIULO BC.IV.3.

La préface souligne que l'avancement des Sciences et des Lettres doit être le seul objectif du voyage, financé par la couronne danoise.

Johann David Michaelis, traduction de Jean Bernard Mérian, Recueil de questions proposées à une société de savans qui par ordre de Sa Majesté danoise font le voyage de l'Arabie, Francfort sur le Main, Chez Jean Gottlieb Garbe, 1763. Ancien fonds de la Bibliothèque de l’École des langues orientales. Collections de la BULAC, BIULO BC.IV.3.

Les questions invitent à confronter les observations du terrain aux savoirs livresques.
Volney (1757-1820) transforme considérablement le genre de la relation de voyage.
En rupture avec l'accent mis sur la recherche d'antiquités ou d'étude des phénomène naturels, il donne la priorité à l'étude des sociétés contemporaines et à leur fonctionnement politique. Ses questions de statistiques proposent pour la première fois un questionnaire générique qui suppose une théorie générale de l’exploration.

« L'art de questionner est l'art de s'instruire »

Constantin-François de Chassebœuf, comte de Volney, Questions de statistique à l’usage des voyageurs, 1ère édition : 1813. Œuvres de C.F. Volney, vol. 7. Paris, Firmin Didot, 1825. Collections de la BULAC, BULAC RES MON 8 9987.

Constantin-François de Chassebœuf, comte de Volney, Voyage en Syrie et en Egypte pendant les années 1783, 1784 et 1785, Paris, chez Desenne, Volland, 1787. Ancien fonds de la Bibliothèque de l’École des langues orientales. Collections de la BULAC, BULAC RES MON 8 7959.
« J'ai rejeté, comme trop longs, l'ordre et les détails itinéraires, ainsi que les aventures personnelles ; je n'ai traité que par tableaux généraux, parce qu'ils rassemblent plus de faits et d'idées, et que dans la foule de livres qui se succèdent, il me paraît important d'économiser le temps des lecteurs. »
Il rompt volontairement avec la forme narrative de la relation de voyage au profit d’un tableau systématique des pays visités. Le texte inspire directement les ambitions encyclopédiques de l’expédition d’Égypte conduite par Bonaparte (1798-1801).
Prendre la mesure du monde
L'objectivité et l’exactitude sont des ambitions revendiquées des relations de voyages savants. Elles s’appuient sur des instruments de mesure et d’enregistrement dont le répertoire reflète les transformations de l’histoire des sciences.

Antoine d’Abbadie, Instructions pour les voyages d’exploration, Bulletin de la société de géographie (Paris), 1867. Collections de la BULAC, BIULO PER.5169 vol.13 (1867).
Dans cette conférence donnée à la Société de géographie, Antoine d’Abbadie (1810-1897), rendu célèbre par des voyages d'exploration en Éthiopie, fixe la liste des instruments recommandés pour effectuer des relevés cartographiques.

La publication du manuel est financée par un magasin d'instruments « destinés aux observations anthropométriques ».
La méthode scientifique développée par l’anthropologie physique du XIXe siècle soumet l’étude de l’être humain à la grille de lecture d’un racisme scientifique qu'illustre l'anthropologie humaine de Paul Broca (1824-1880). Le nuancier des iris et de la couleur de peau s'inspire ainsi d'outils utilisés en géologie pour objectiver la description des roches.
L'ouvrage présenté est conçu comme un manuel, marquant la place affirmée du voyage d'enquête dans la formation scientifique.

Échelle chromatique des yeux. Paul Broca (1824-1880), Instructions générales pour les recherches anthropologiques à faire sur le vivant, Paris, Société d'anthropologie de Paris, 1879 (2e édition). Collections de la BULAC, BIULO AH.VI.24.

Couleurs de la peau et du système pileux. Paul Broca (1824-1880), Instructions générales pour les recherches anthropologiques à faire sur le vivant, Paris, Société d'anthropologie de Paris, 1879 (2e édition). Collections de la BULAC, BIULO AH.VI.24.
Parallèlement aux outils de mesure, des instruments d’enregistrement sont développés. Avec le carnet de note, l’enregistreur à bandes magnétiques puis le dictaphone deviennent des attributs du travail anthropologique.
W.J. Samarin (1926-2000) fait ainsi de l'enregistreur à bandes le symbole de la linguistique de terrain.

William John Samarin, Field linguistics: a guide to linguistic field work, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1967. Collections de la BULAC, BIULO GEN.III.5785.
Chez les éleveurs mongols comme bouriates j'ai privilégié une prise de notes manuscrites a posteriori (...) À Aga, lors d'entretiens qui se déroulaient durant une rencontre unique avec des représentants des administrations locales, des spécialistes des rituels et des hommes politiques, il était en revanche attendu queje sorte mon dictaphone ou un carnet. En utilisant ces outils, je devenais une vraie « ethnographe », terme employé pour désigne l'ethnologue en Russie.
Charlotte Marchina. Nomad's land. Éleveurs, animaux et paysages chez les peuples mongols. Bruxelles, Zones sensibles, 2019, p. 22
Tours et détours de la collecte
Le développement des voyages savants s’accompagne de la collecte raisonnée de spécimens, sous l’égide de sociétés savantes, musées ou bibliothèques.
Cette démarche, d’abord développée pour les sciences naturelles, s’étend à l’ensemble des sciences de l’homme. Objet de prouesse des premiers explorateurs, la collecte s’inscrit progressivement dans une division du travail scientifique qui permet l’organisation de campagnes à grande échelle.
Le récit de voyage du botaniste Tournefort (1656-1708), publié à titre posthume, est précédé d’un éloge par Fontelle (1657-1757), alors secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences. Il souligne l’importance et la nouveauté du travail de collecte spécialisée de spécimens. Le monde observable y est comparé à une vaste bibliothèque d’informations dispersées qu’il s’agit de réunir.

Joseph Pitton de Tournefort, Relation d’un voyage au Levant…, Paris, Imprimerie royale, 1717. Ancien fonds de la Bibliothèque de l’École des langues orientales. Collections de la BULAC, BULAC RES MON 4 2398.

Bernard de Fontelle, Éloge de M. de Tournefort. Publié en avant-propos de Joseph Pitton de Tournefort, Relation d’un voyage au Levant…, Paris, Imprimerie royale, 1717. Ancien fonds de la Bibliothèque de l’École des langues orientales. Collections de la BULAC, BULAC RES MON 4 2398.
La Botanique n'est pas une science sedentaire & paresseuse, qui se puisse acquerir dans le repos & dans l'ombre d'un Cabinet (...) Elle veut que l'on coure les Montagnes & les Forests, que l'on gravisse contre des Rochers escarpez, que l'on s'expose aux bords des Précipices. Les seuls Livres qui peuvent nous instruire à fond dans cette matiere ont été jettez au hazard sur toute la surface de la Terre, & il faut se resoudre à la fatigue & et au peril de les chercher & de les ramasser.
Bernard de Fontelle, Éloge de M. de Tournefort. Publié en avant-propos de Joseph Pitton de Tournefort, Relation d’un voyage au Levant…, Paris, Imprimerie royale, 1717.
L’entreprise de collecte disciplinaire s’étend à une grande diversité d’objets, y compris immatériels. Les cahiers de terrain élaborés par le socio-linguiste Marcel Cohen (1884-1974) à l’Institut d’ethnologie visent à normaliser la collecte de faits linguistiques. Le questionnaire propose des fiches détachables, doublées d’une copie carbone. La collecte peut ainsi être confiée à un grand nombre d’enquêteurs peu qualifiés.

[Marcel Cohen], Questionnaire linguistique : instructions pour les voyageurs, Paris, Institut d'ethnologie, 1928. Fonds André Basset. Collections de la BULAC, BIULO BAS.IV.311(1).

Le mode d'emploi du « carnet-questionnaire » recommande l'usage de copies carbones et l'envoi systématique des relevés à l'Institut d'ethnologie qui se charge de centraliser les données pour les traiter.

Fiche signalétique d'un informateur

[Marcel Cohen], Questionnaire linguistique : instructions pour les voyageurs, Paris, Institut d'ethnologie, 1928. Fonds André Basset. Collections de la BULAC, BIULO BAS.IV.311(1).
Les conseils aux chercheurs publiés par l'Institut français d'Afrique noire à Dakar sont rédigés sous la supervision de Théodore Monod (1902-2000). Largement distribués, ils visent à organiser la collecte d’objets ethnographiques par les nombreux voyageurs et agents de l’administration coloniale. La brochure connaît 4 rééditions jusqu'en 1953.
Le musée, ouvert par l’IFAN l’année de cette publication, est aujourd’hui rattaché à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar.

[Théodore Monod], Conseils aux chercheurs, Dakar, Institut français d'Afrique noire, 1941. Collections de la BULAC, BIULO MEL.8.1363(18).

Fiche type « pour la récolte de collections ethnographiques » proposée par l'I.F.A.N.
Le ministère français de l'Instruction publique finance plus de 1 200 missions scientifiques à l'étranger entre 1860 et 1914. Les rapports dressés au retour cherchent à confirmer l'intérêt du voyage entrepris pour assurer des subsides futures.
Édouard Blanc (1858-1923), au retour d’une mission en Asie centrale, fait ainsi état de ses talents de persuasion et de manipulation pour collecter des manuscrits et textes rares. Celles-ci peuvent ainsi être lues comme les qualités revendiquées d’un bon explorateur – le caractère peu éthique de ces démarches invite toutefois l'explorateur à demander que ces développements restent confidentiels, « dans l'intérêt du succès des autres chercheurs futurs ». Le document dresse la liste de manuscrits, aujourd’hui conservés à la Bibliothèque nationale de France et à la BULAC.

Édouard Blanc, « Rapport sur les manuscrits anciens recueillis au Turkestan », 1894. Collections de la BULAC, MS.PERS.75b. Document numérisé disponible sur bina.bulac.fr

« Des motifs faciles à comprendre, et qu'il est superflu même d'énumérer ici, suffisent à expliquer pourquoi il ne nous est pas possible d'entrer dans plus amples détails sur les endroits où nous avons trouvé ces documents, ainsi que sur les moyens que nous avons dû employer pour les trouver d'abord, les acquérir ensuite, et finalement les transporter. »
Professeur de russe à l'École des langues orientales, Paul Boyer (1864-1949) défend une rénovation de l’enseignement des langues vivantes par l’immersion. Dans cet essai largement diffusé au-delà des seuls élèves de l’École, il applique au voyage d’étude les principes de collecte et d’observation élaborés par le voyage savant.

Paul Boyer, Simples conseils aux élèves du cours de russe de l'école de langues orientales. Tiré à part de la Revue internationale de l’enseignement (Paris), 1898. Collections de la BULAC, BIULO MEL.8.727(2).

Paul Boyer, Simples conseils aux élèves du cours de russe de l'école de langues orientales. Tiré à part de la Revue internationale de l’enseignement (Paris), 1898. Collections de la BULAC, BIULO MEL.8.727(2).
Avoir toujours le carnet le crayon à la main ; en toutes circonstances relever les mots, les expressions, les faits de langue nouveaux ou incomplètement connus. (....) En chemin de fer, dans les gares, en bateau à vapeur, dans les stations de poste, relever les instructions, règlements et ordonnances, copier le billet et le bulletin de bagage, les menus des buffets, etc. »
Paul Boyer, « Simples conseils aux élèves du cours de russe de l'École des langues orientales », 1898.
Face à l'étrange
Le développement des sciences de l’homme met en question les méthodes de l’enquête. Au cours du XXe siècle, l’ethnologie s’interroge sur la possibilité de décrire objectivement un terrain étranger et sur les biais des enquêteurs.
La Mission scientifique Dakar-Djibouti, lancée en 1931 à travers les colonies françaises d’Afrique par l’Institut d’ethnologie, est une campagne à grande échelle de collecte de matériaux ethnographiques. Une brochure publiée à plusieurs centaines d'exemplaires est destinée à être distribuée en cours de route pour inciter les membres des administrations coloniales et les Européens établis en Afrique à participer au travail de sélection de matériaux. Le guide met en garde contre les jugements de valeur des voyageurs peu expérimentés.
Le texte est rédigé par Michel Leiris (1901-1990) à partir des cours professés à l'Institut d'ethnologie par Marcel Griaule (1898-1956), chef de la mission. Les deux hommes se brouillent après la publication en 1934 de L'Afrique fantôme où Leiris critique la méthode de terrain de Griaule et assimile l'expédition à une entreprise de pillage.
Le déroulement et l'héritage de la mission Dakar-Djibouti sont aujourd'hui revisités par les historiens de l'ethnologie et des musées à la lumière de sa dimension coloniale :
- Éric Jolly et Marianne Lemaire ont ainsi proposé en 2015 une réédition critique du Cahier Dakar Djibouti, publié initialement dans la revue Minotaure en 1933.
- La mission et les récits qu'elle a produit sont étudiés du point de vue de Michel Leiris par Vincent Debaene dans L'Adieu au voyage. L'ethnologie entre science et littérature, 2010.
- Cette histoire fait également l'objet d'un projet de recherche collaboratif, associant des chercheurs du Sénégal, du Mali, du Bénin, du Cameroun du Tchad et de Djibouti, piloté par le musée du Quai Branly Jacques-Chirac

[Marcel Griaule et Michel Leiris], Instructions sommaires pour les collecteurs d'objets ethnographiques, Musée d’ethnographie et Mission scientifique Dakar-Djibouti. Paris, Palais du Trocadéro, 1931. Collections de la BULAC, BIULO MEL.8.1272(2).

Une collection d’objets ethnographiques n’est ni une collection de curiosités, ni une collection d’œuvres d’art. L’objet n’est pas autre chose qu’un témoin, qui doit être envisagé en fonction des renseignements qu’il apporte sur une civilisation donnée, et non en fonction de sa valeur esthétique. Il faut donc s’habituer à recueillir toutes espèces d’objets et se défaire en premier lieu de deux préjugés, celui de la pureté du style et celui de la rareté. Les objets les plus communs sont ceux qui en apprennent le plus sur une civilisation.
La méthode ethnographique développée par Marcel Griaule témoigne cependant de l’émancipation nouvelle des sciences de l'homme. En rupture avec la pratique ordinaire du voyage d'exploration, il souligne les limites des enquêtes solitaires et limitées dans le temps et développe une véritable théorie d’approche du terrain d’enquête.
Dans sa Méthode de l'ethnographie, il souligne le caractère indispensable du travail collectif et les limites intrinsèques de l'observation objective pour comprendre le fonctionnement d'une société.

Marcel Griaule, Méthode de l'ethnographie, Paris, Presses universitaires de France, 1957. Collections de la BULAC, BIULO GEN.III.107179.

« Zones de secrets propre à chacun des informateurs »

Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, Paris, Plon, « Terre Humaine », 1955. Exemplaire dédicacé à Denise Paulme et André Schaeffner. Collections du Centre d’études africaines déposées à la BULAC, CEAFR A 21.127.
La relation de terrain de Claude Lévi-Strauss veut rompre avec le genre du récit de voyage ; elle s'ouvre par ces mots : « Je hais les voyages et les explorateurs ».
Son récit dénonce ainsi l’européocentrisme des dispositifs d'enquête et interroge la position subjective de l’anthropologue.

Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, Paris, Plon, « Terre Humaine », 1955. Exemplaire dédicacé à Denise Paulme et André Schaeffner. Collections du Centre d’études africaines déposées à la BULAC, CEAFR A 21.127.

« La solution indigène était parfaite ; pour nous en convaincre il nous manquait seulement d'avoir pénétré la théorie qui la fonde. »
Publications récentes sur les voyages savants
Sélection d'ouvrages empruntables disponibles à la BULAC.


Comment être un étranger

Combler les blancs de la carte

Anthropologues en dangers
De Drake à Chatwin

A beau mentir qui vient de loin

Cousu de fil rouge

Cahier Dakar-Djibouti

Claude Levi-Strauss

Sélection bibliographique Voyages savants (Juliette Pinçon / BULAC).
Sélection bibliographique Voyages savants (Juliette Pinçon / BULAC).
À visiter à la Bibliothèque Sainte-Geneviève...
Lignes d'horizon. Voyages et relations savantes, XVe-XXe siècles
Exposition, du 17 septembre au 18 décembre 2022

Entre la fin du XVe siècle et la moitié du XXe siècle, les régions inconnues ou mal connues des Européens ont exercé sur leur culture une fascination qui a duré tant que les blancs sur les cartes n’avaient pas complètement disparu. Les collections de la bibliothèque Sainte-Geneviève constituent un témoignage de cet engouement pour les voyages qui repoussent l’horizon de la connaissance, et de son influence sur la pratique même de l’exploration. Issus des différents fonds de la bibliothèque, les soixante-quinze documents exposés donnent un aperçu de ces interactions entre voyageurs, savoir et public au temps où s’élabore la science moderne.
Pour prolonger cette exposition, Genovefa, la bibliothèque numérique de la bibliothèque Sainte-Geneviève, permet d’explorer un corpus plus large de documents numérisés sur le thème des voyages savants.

La programmation culturelle et scientifique 2022 de la bibliothèque Sainte-Geneviève est placée sous le thème des « Voyages savants », très représenté dans ses collections.
Presque 2 000 documents ont été repérés, datant du XVe au XXe siècle et touchant à toutes les régions du monde, du Canada à la Polynésie et de la Patagonie au Japon.

Dans le cadre de sa programmation « Voyages savants 2022 », la bibliothèque Sainte-Geneviève organise un colloque international en partenariat avec l'EHESS, l'université d'Artois et l'université de Nanterre. Ce colloque proposera une réflexion touchant aux définitions possibles du « voyage savant » et...
Nos intervenants

Benjamin Guichard est conservateur en chef des bibliothèques, directeur scientifique de la BULAC depuis 2015.