Daniil Trifonov joue Liszt
Sur la scène, on ne voit qu’un piano à queue et un jeune pianiste. À part le cercle de lumière qui les entoure, tout le reste de la scène demeure dans l’ombre. Daniil Trifonov commence à jouer.

Crédits photographiques : Xuan Wang.
Xuan Wang
Sur la scène, on ne voit qu’un piano à queue et un jeune pianiste. À part le cercle de lumière qui les entoure, tout le reste de la scène demeure dans l’ombre. Daniil Trifonov commence à jouer. Le programme comprend les douze Études d'exécution transcendante (S. 139) de Liszt, des morceaux difficiles à jouer. Même un seul morceau de ce recueil demande une technique parfaite. Jouer ensemble ces douze morceaux est, sans doute, comme un marathon.
Voûté, Daniil baisse la tête, jusqu’à la moitié de son corps. Il regarde attentivement le clavier. La mélodie retentit, son regard passe alternativement de la droite à la gauche. Sur un crescendo, il lève soudain la tête, ce qui fait voler ses cheveux. Ensuite, le voilà qui tourne sa tête vers le ciel où il semble chercher quelque chose. Peu à peu, il ferme ses yeux, sa tête tourne, il se plonge dans ses pensées. Sa bouche est maintenant entrouverte, il a trouvé des souvenirs extraordinaires sur cette scène, dans cette obscurité. Il respire lentement, les notes s’écoulent dans les oreilles des spectateurs. Encore une fois, il baisse la tête jusqu’à quelques centimètres du clavier. Il ressemble à une bête blanche, de la couleur de sa chemise, qui est prête à faire exploser toute sa force.
Nul ne sait d’où vient cette puissance secrète et incroyable. En jouant Feux follets, Daniil montre un sourire espiègle. Il saisit le rythme et maîtrise les touches noires et blanches. Mais au bout de plusieurs morceaux, son sourire disparaît. Sa bouche marmonne, il ouvre grand ses yeux, sa sueur trempe sa chemise et ses cheveux sur son front. En réalité, il a plus l’air d’un acteur que d’un pianiste.
Sur son visage, c’est tantôt la colère, tantôt la tristesse, tantôt la fascination, tantôt la joie. Après les dernières notes de Chasse-neige, il penche la tête vers la gauche, ses yeux baignent encore dans ses pensées, sa bouche est étroitement fermée. Avec les applaudissements, il retrouve ses esprits et baisse les épaules. Il est enfin soulagé.
Le 4 novembre 2020