Danse des heures - Anno 2019
Quelque chose qui vibre dans l'air, et sous la terre. Lampadaires qui s'éteignent autour de la pelouse interdite, des lueurs s'allument, des vies qui s'éveillent une à une sur les murs de la ville.

Crédits photographiques : June Admiraal (Unsplash)
Marius Dahl
Quelque chose qui vibre dans l'air, et sous la terre. Lampadaires qui s'éteignent autour de la pelouse interdite, des lueurs s'allument, des vies qui s'éveillent une à une sur les murs de la ville. Bestiaires grimaçants aux fenêtres, ménageries de pierre s'accrochant aux façades, à peine visibles sous la pluie incessante. Heure de l'aubade d'un rossignol et d'une cascade qui susurre.
Au sommet d'un arbre géant, colosse millénaire et sans feuilles, un corbeau hirsute tient à distance une horde de perruches effrontées et frivoles, qui elles ne s'inquiètent ni d'un voisinage hostile ni de cette saison encore bien ingrate, et elles ignorent avec superbe le vieux roi noir en profitant des rares filets de lumière amenant un peu de la douceur de midi. Pluie continuelle dans le parc, comme mangé par ce nuage qui couvre tout le ciel, si bien que dans son ventre cotonneux et humide, on n'oserait s'avancer à deviner l'heure qu'il est. Les passants encore nombreux se hâtent vaillamment sur des chemins mouillés ; peut-être qu'il est encore tôt dans l'après-midi. L'un d'eux a laissé s'échapper un cœur rouge rempli d'hélium qui erre sur la grande pelouse interdite. Rouge, vert, blanc. Les derniers promeneurs s'échappent.
Au-dessus d'eux, immobile, un nuage gonflé d'or s'effile au loin et dévide la traîne de ses eaux mauves sur les toits de la ville, tandis que de frénétiques sirènes crient, s'acharnent encore et cognent aux portes du soir. Mais ici, personne ne leur ouvrira. Devant moi, la grande pelouse heureuse, enveloppée dans l'écharpe vert sombre des conifères, et qui, tranquille comme un silence, m'accueille. Autour d'elle, les membres noueux d'arbres nus et dormants me font un refuge au seuil de la nuit. Derniers oiseaux en vol, chant d'un oiseau du soir, un balancier sonore qui tinte huit fois, puis se tait. Toujours le chuintement de la cascade. Et tout le reste se tait.