Déportés pour l’éternité : survivre à l’exil stalinien
Rencontre avec Alain Blum et Emilia Koustova, auteurs de l'ouvrage Déportés pour l’éternité - Survivre à l’exil stalinien, 1939-1991, et Eric Le Bourhis, historien et maître de conférences à l'Inalco.
Un livre, des collections
Déportés pour l’éternité - Survivre à l’exil stalinien, 1939-1991
Alain Blum et Emilia Koustova, Déportés pour l’éternité - Survivre à l’exil stalinien, 1939-1991, Paris, éditions EHESS, 2024.
Loin de constituer un passé définitivement révolu, devenu un objet historique froid, l'histoire des déportations qui, il y a quatre-vingts ans, frappèrent de vastes territoires d'Europe de l'Est lors de leur intégration forcée dans l'espace soviétique, apparaît-elle aujourd'hui centrale comme jamais pour comprendre autant le passé que le présent de ces pays et de l'Europe en général.
A. Blum et E. Koustova, Déportés pour l'éternité. Survivre à l'exil stalinien 1939-1991, p. 344
Alain Blum et Emilia Koustova saisissent ici une part essentielle mais mal connue de l’histoire soviétique, en s’intéressant à sa dimension impériale et impérialiste, telle qu’elle se manifesta lors de l’annexion de la Lituanie et de l’Ukraine occidentale. En racontant le cheminement des centaines de milliers de déplacés, leur survie en déportation et leurs interactions avec le monde soviétique, ils font découvrir des dynamiques historiques dont les échos se font encore entendre aujourd’hui, à la croisée des histoires de l’exil, de la violence politique et de la construction de l’espace impérial russe.
« Comme un lièvre effarouché » : ce sont les mots qu’un habitant d’un village ukrainien couche sur un papier intercepté par les autorités soviétiques en 1949. En Ukraine occidentale et en Lituanie, comme partout dans les territoires est-européens devenus soviétiques en 1939-1940, puis à partir de 1944-1945, la peur d’être condamné à l’exil rôde depuis leur annexion et ne s’estompera qu’à la mort de Staline. Le bilan sera lourd.
Mêlant histoire par le haut et par le bas, Alain Blum et Emilia Koustova explorent les mécanismes répressifs des déportations de masse et les trajectoires des victimes. Leur vécu oriente l’enquête, leur parole, longtemps ignorée, en est le cœur. Des centaines de lettres découvertes dans les archives et d’entretiens menés auprès des derniers témoins racontent la violence de l’arrachement, les épreuves imposées par la survie dans les confins glacés de la mer des Laptev, la taïga sibérienne et les steppes d’Asie centrale, puis un long, parfois impossible, retour vers les terres d’origine. Ces voix entretiennent une mémoire qui, encore aujourd’hui, imprègne les sociétés post soviétiques, et éclaire peut-être notre présent.
Cette rencontre fait écho à l'exposition « La Lituanie au XXe siècle : Mémoire des répressions et luttes pour l’indépendance sous l’œil de Juozas Kazlauskas », à retrouver en galerie du Pôle des langues et civilisation et au rez-de-jardin de la BULAC du 4 novembre au 23 décembre 2024.
(Re)voir la rencontre
Pour aller plus loin
Découvrez une sélection bibliographique portant sur la mémoire européenne des déportations staliniennes. Les ouvrages empruntables de cette liste seront présentés à l'entrée de la bibliothèque du 4 au 16 novembre 2024.
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Nos intervenants
Alain Blum est démographe, statisticien et historien. Ses recherches actuelles portent sur la question des déplacements forcés des populations, dans la continuité d’une réflexion plus générale sur la relation entre violence politique et transformations démographiques et sociales.
Professeur des universités à l’université de Strasbourg, Département d’études slaves. Membre permanent du Groupe d'Études Orientales, Slaves et Néo-helléniques. Membre associé du Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen (EHESS/CNRS).
Historien et maître de conférences en langue, littérature et civilisation lettones à l'Inalco. Ses recherchent s’inscrivent essentiellement dans le champ de l’histoire urbaine, en Union soviétique et en Lettonie, en France et à Paris.