Élévation
Perché. Perché là-haut loin et fier. Loin et fier de son fer. Silence. Il surveille en silence la contrée et la montée. Les pentes et la descente.

Die Lebensstufen - Les âges de la vie - (1834), Caspar David Friedrich. Museum der bildenden Künste (Leipzig) - Wikimedia Commons.
Florian Targa
Perché. Perché là-haut loin et fier. Loin et fier de son fer. Silence. Il surveille en silence la contrée et la montée. Les pentes et la descente. Brumeux nébuleux il n’offre qu’au goutte-à-goutte sa blancheur bruyante aux regards. Loin, loin, mais déjà un peu moins il regarde ceux qui viennent et partent.
Fleurs sauvages et herbe de brume. Une odeur qui fraîchit annonce au marcheur qu’il va bientôt s’arrêter. Qu’il va sortir de son monde fauve, sépia, sec, pour entrer dans son royaume humide. Sol qui s’enfonce sous le pied. Pierres qui trahissent et glissent. Vaches qui attendent. Et lui, au milieu de tout ça. Vénérable et véritable. Comme une fontaine en plein été.
La porte est solide. Elle semble toute-puissante. Bois massif, gonds d’acier, un travail patient. Au centre, un anneau qui appelle le bras à pousser et entrer. Derrière déjà les échos d’un feu irradient. Personne ne l’a invité, mais en bas le froid entre dans les pas du temps. Le doigt gratte, décolle le bois moisi. Odeur de blé mouillé. Mieux vaut ne pas trop regarder.
Ça s'éparpille. Ça piaille. Ça s'égaille. Ça graille. La cuisine se tait. Les ventres s’apaisent. Les langues se mélangent. Les verres se remplissent. Ça siffle. Ça grince. Ça gronde. Ça hurle. Les volets claquent. La porte résiste. La cheminée parle. Les bois font mal aux dos. Ça se lève. Ça râle. Ça porte. Ça part.
Les éclats montent et rappellent qu’il y a ici autre chose que l’élévation. Qu’en bas d’autres lois d’autres « moi » existent. La blancheur du zinc se conjugue aux angles aigus des ardoises. D’ici tu viens ! Et où vas-tu ? Pourquoi t’en vas-tu ? Que t’en vas-tu chercher aux sommets ? D’ici on les voit et on les vit déjà. Pas de pierres qui cisaillent, de pics qui pointent. Ma chaleur : c’est donc elle que tu fuis ?