Histoire d’un regard
Allongée plus loin, tu me regardes tranquillement sans bouger. Tu parais en paix, satisfaite de l'instant présent.

Les phases de la lune. Crédits photographiques : Alex Andrew - Pexels.com
Nanuk
Allongée plus loin, tu me regardes tranquillement sans bouger. Tu parais en paix, satisfaite de l'instant présent. Ta respiration est sereine, tu fermes lentement tes deux amandes douces puis les rouvres, on pourrait croire que tu vas t'endormir, d'ailleurs, tu bailles, la bouche grande ouverte comme d'habitude. Mais non, tu me regardes.
Tes longs cils ponctuant ton regard lui donnent une impression de sagesse, parfois d'étonnement. Ce vert clair envoûtant entourant tes pupilles n'est pas régulier, un peu comme la surface d'un lac sur lequel soufflerait un vent léger. Je sens presque la fraîcheur de l'eau. Le soleil couchant s'y reflète dans une flamme qui fait briller tes deux fentes noires. Au fur et à mesure que la lumière s'amenuise, ces deux traits sombres s’arrondissent, un peu comme les phases d'une lune inhabituelle. Tes paupières sont maintenant fixes et largement ouvertes. Le vert paisible de tes iris disparaît presque derrière ces deux puits de ténèbres sans fond.
Tu t'es redressée. Tu me fixes toujours mais je ne ressens plus l'envie de me baigner dans tes lacs. J'ai tout à coup peur de m'y noyer. Tu te rapproches de moi, jusqu'à atteindre le bord du lit. Je ne vois presque plus que tes deux billes noires qui rasent la couette. L'impression de fraîcheur n'est plus, j'ai même la sensation qu'émane de ces encriers une chaleur venue des profondeurs de la Terre. Un léger tressaillement de muscle, et je suis perdue.