Il m’arrive de me souvenir du rayon poissonnerie du SuperU-Pouilly. Je repense à la surface de glace pilée sur laquelle on entreposait des dos de cabillauds bien gras que j’aimais faire glisser entre mes doigts.
«Toutes blessent, la dernière tue»: les trois pierres alignées dans la pénombre qui se dissipe portent le nom d’un chanteur, d’un écrivain et d’une inconnue...
Qu’ils viendront je dis, pas de doute ça hein. Et vous y croyez encore vraiment vous? J’en suis sûr moi qu’y reviennent. Bientôt ou plus tard mais y vont revenir.
Plus de sommeil depuis si longtemps, surélevée grâce à mes cinq oreillers, je happe l’air, goulée après goulée, «du lit au lit» comme chante le grand Jacques…
Elles sont là, devant moi. Mes mains, je les observe. Elles sont charnues et pleines de force. Mes doigts écartés se font face sans se toucher, légèrement repliés.
Sur la scène, on ne voit qu’un piano à queue et un jeune pianiste. À part le cercle de lumière qui les entoure, tout le reste de la scène demeure dans l’ombre. Daniil Trifonov commence à jouer.
Elle est habillée d’une veste de pyjama bordeaux à carreaux noirs, garnie d’une poche supérieure gauche sur laquelle est brodé un nounours jaune, d’un jean délavé bleu et de chaussons.